Film | La Vague de Dennis Gansel

©BAC Films

Titre original : Die Welle
Réalisateur : Dennis Gansel
Scénaristes : Dennis Gansel & Peter Thorwarth
Distributeur VF : BAC Films
Acteurs principaux : Jürgen Vogel, Max Riemelt, Frederick Lau, Jennifer Ulrich…
Pays d’origine : Allemagne
Durée : 1h47min
Date de sortie en France : 4 mars 2009
Genre : Drame / Sociologie

Adaptation du roman homonyme écrit par Todd Strasser (1981), inspiré également de faits réels

Synopsis

En Allemagne, aujourd’hui. Dans le cadre d’un atelier, un professeur de lycée (Jürgen Vogel) propose à ses élèves une expérience visant à leur expliquer le fonctionnement d’un régime totalitaire. Commence alors un jeu de rôle grandeur nature, dont les conséquence vont s’avérer tragiques.
(source : Allociné)

L’avis d’Esquisse

Contrairement aux précédents avis films, séries et cinéma, dans cet article, je ne vais pas évoquer le jeu des acteurs, le choix du casting ou encore la réalisation. Si « La Vague » me semble être intéressant à présenter, c’est bien pour son sujet : l’autocratie – ou la simplicité de former un système absolu malgré les enseignements du passé. La science politique est un domaine que j’ai adoré découvrir à l’université : observer les différents régimes politiques être mis en place et débattus ainsi que voir les impacts sociologiques qu’ils engendrent. Or, le film de Dennis Gansel réunit ces deux éléments entre mise en scène d’un système tyrannique et réflexion sur le comportement de l’être humain, plus précisément sur son obéissance face à une force d’autorité.

Inspiré d’une expérience américaine réelle, combiné au passé historique de l’Allemagne

En creusant dans les origines de ces multiples adaptations (roman, film, téléfilm, articles de journaux), on découvre une expérience réelle réalisée dans un lycée de Californie en 1967 alors qu’un professeur d’Histoire, Ron Jones, enseignait à ses élèves l’Histoire de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale et par conséquent le régime totalitaire qui était mis en place à cette époque. Une mise en scène sociale qui a pris une tournure et une ampleur inattendues : alors que les lycéens se montraient sceptiques face au cours de leur professeur sur le nazisme, ceux-ci, inconsciemment, se firent manipuler, poussant ainsi ce qui n’était qu’une simple démonstration en un mouvement beaucoup plus élargi et endoctrinant.

L’expérience américaine réadaptée par l’auteur Todd Strasser rencontre son public auprès du pays concerné : l’Allemagne. Le roman La Vague (The Wave) devient alors source d’enseignement pour les Allemands qui proposent leur propre adaptation de l’expérience de Mr. Jones avec le film de Dennis Gansel. Cette nouvelle proposition cinématographique est d’autant plus frappante car elle introduit une réflexion supplémentaire au sujet : R. Jones devait répondre à la question du comment peut-on nous se laisser endoctriner, or, en posant le décor d’un lycée allemand, les scénaristes ajoutent à cette interrogation le contexte d’un passé pesant sur une nation qui a déjà connu le régime totalitaire.

L’un des premiers arguments présentés par les lycéens dans le film est que étant Allemands et au vu de l’histoire nationale et des conséquence de celle-ci, l’Allemagne ne pourrait connaître de nouvelle dictature puisque le pays a déjà expérimenté ce type de régime et a donc pris conscience des répercussions engendrées par le totalitarisme. Or, leur professeur, Reiner Wenger (Jürgen Vogel), dans le cadre de l’atelier sur l’autocratie, remet en cause cette affirmation. Le lien entre l’expérience et l’Histoire de l’Allemagne rend l’évolution de cette mise en scène prenante.

Personnellement, le seul point qui fait tilt, mais qui pourtant selon l’expérience d’origine fut bien réel, c’est la temporalité : l’ensemble de l’histoire se déroule sur cinq jours, dont un sixième nécessaire au démantèlement du mouvement ; or, ce laps de temps me semble relativement court. Peut-être est-ce parce que je n’ai pas vécu l’expérience que cet élément me rend sceptique.

La mise en place d’une dictature : quelques éléments pour tout faire basculer

Cinq jours. C’est le temps qu’il fallut pour que tout un lycée – et par extension une partie du collège qui lui est associé – soit endoctriné dans un mouvement qui n’avait pas de but concret si ce n’est montrer qu’une autocratie peut s’installer là où on s’y attend le moins.

Si l’un des premiers éléments nécessaires à la mise en place d’une autocratie selon le cours de Reiner Wenger réside dans un contexte politique, économique et social, il est affligeant de constater que cela ne concerne pas les élèves. L’avènement du mouvement trouve donc sa source dans d’autres détails qui mettent en avant l’idée que l’extrême social peut naître d’une manipulation maîtrisée et du seul sentiment d’appartenir à un groupe. Le professeur de l’atelier convint ses élèves par de petits conseils sur le maintient ou la prononciation par exemple, des règles simples et applicables telles qu’une salutation qui impose le respect entre un élève et son professeur, ou encore le port d’un style vestimentaire uniforme. Des consignes qui créent une union même chez les opposés, cassant les petits clans au profit d’un seul et même groupe. En outre, le leader est une évidence pour l’ensemble de la classe : Reiner Wenger fait figure d’autorité auprès des jeunes.

Il est saisissant de constater comment tout peut basculer pour un esprit de communauté et le sentiment d’œuvrer vers un but commun. Le fait d’appartenir à un ensemble, à un tout, dissout les barrières et les différences. Toutes les différences ? Non. Les contestataires sont rapidement mis à l’écart, devenant sources de brimades. Pourtant, cette marginalisation du reste du groupe résulte d’un détail dès le début de l’expérience : nul besoin de contester l’ensemble du projet, ne pas devenir un mouton sur le plan vestimentaire suffit.

Une finalité davantage percutante que les retours issus de l’expérience

Ce qui frappe le spectateur dans cette histoire, outre la facilité dont tout le processus se met en place, c’est la fascination des lycéens dans la cause. Une fascination allant à l’extrême. Selon les témoignages de ceux qui y ont participé dans la réalité, l’expérience les a marqués mais également terrifiés par l’ampleur qu’elle prenait ; le professeur lui-même fut dépassé par les évènements.

L’envergure du projet se manifeste non seulement à travers les différentes étapes mises en pratique dans le film mais surtout par la fin qui expose le point de non-retour : le fanatisme refoulant toute notion de remise en cause et de réflexion. Le dénouement était attendu en ce qui concerne le personnage en question tant il manifeste sa passion pour « La Vague » de manière extrême : au delà du jeu de rôle, il en fait tout son univers.

Comme annoncé en introduction, ce qui fait la force de ce film est de loin son sujet qui incite à se questionner sur le comportement humain confronté à une réunion d’éléments et de motivations. Il est intéressant de suivre l’évolution des élèves mais également du professeur (parallèle avec l’expérience de Milgram, 1963) dans la mise en pratique d’une théorie sur l’autocratie : d’un côté, nous voyons le scepticisme et l’individualité des élèves se détériorer progressivement durant l’expérience au profit d’une obéissance unanime, d’abord minimale puis de plus en plus répressive ; et d’un autre côté, nous avons les « rebelles » , ceux qui sont conscients des controverses sur le projet qui engendre trop d’impacts.

See you soon,
Esquisse.


Bande annonce en VF :


Article pouvant vous intéresser sur l’expérience de « La Troisième vague »

Pour avoir une première approche sur l’expérience menée par Ron Jones en Californie, je vous conseille l’article suivant qui porte également une réflexion sur le sujet :

AXELRAD Brigitte, « La Troisième vague, une expérience pédagogique insensée » , Association Française pour l’information scientifique

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑